Haïti a connu des décennies d’insécurité et d’instabilité politique, mais 2021 a été alarmante. L’enlèvement en octobre de 17 missionnaires américains et canadiens et de leur chauffeur haïtien est l’exemple le plus médiatisé de la montée en flèche des enlèvements qui ont touché quelque 782 personnes cette année, dont 30 % depuis le 1er septembre. Ces enlèvements s’étendent à des bus chargés de personnes arrachées contre rançon. . Les gens moyens craignent pour leur sécurité, et l’État s’est montré impuissant face à plus de 90 gangs qui se disputent les ressources et le territoire.

Ces gangs sont devenus des quasi-chefs de guerre, contrôlant quelque 60 % du territoire du pays et favorisant le trafic de drogue. L’assassinat en juillet du président Jovenel Moïse a aggravé une crise sécuritaire et politique qui s’était aggravée depuis le départ des troupes des Nations Unies en 2017. Les derniers mois ont montré la force des gangs, la coalition des gangs du G9 ayant imposé un blocus de carburant d’un mois qui a amené le capital à l’arrêt. Le blocus, levé le 12 novembre, a entravé les livraisons de nourriture dans ce pays désespérément pauvre.

Les États-Unis et d’autres acteurs internationaux ont intérêt à répondre à la crise humanitaire et à ses conséquences migratoires et sécuritaires régionales. La priorité immédiate est de restaurer la sécurité dans le pays et de jeter les bases d’une gouvernance stable avec une corruption réduite.

L’approche américaine actuelle de la crise s’est concentrée sur seulement deux options : soit envoyer des forces militaires américaines, soit laisser les Haïtiens régler les choses eux-mêmes. Le déploiement unilatéral des forces américaines n’est pas réaliste. L’administration Biden a exclu un tel déploiement malgré la demande d’Haïti après l’assassinat de Moïse. Sa réponse dominante semble être de laisser les Haïtiens se sortir de la crise.

Mais ne rien faire n’est de plus en plus une option. Les partis politiques se sont appuyés sur certains gangs et ont permis une impunité généralisée, illustrant la profondeur de la corruption du système actuel.

La voie à suivre la plus sensée pour les acteurs internationaux est d’autoriser une opération de l’ONU élargie pour inclure une petite composante militaire, mais de la modifier pour surmonter les limitations passées. La Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), qui a duré 13 ans, s’est attaquée avec succès à certains des problèmes de sécurité qui assiègent le pays aujourd’hui. Avant et après le coup d’État qui a renversé le président élu Jean-Bertrand Aristide en 2004, les gangs exerçaient un contrôle territorial considérable à Port-au-Prince, en particulier dans ses plus grands bidonvilles. La mission de l’ONU a lancé des opérations bien planifiées dans ces immenses quartiers, capturant ou tuant plusieurs chefs de gangs et permettant aux forces gouvernementales faibles de reprendre le contrôle.

Une étude de l’Institut américain de la paix a attribué le « succès retentissant » de ces opérations aux efforts déployés par les forces militaires brésiliennes, en collaboration avec diverses unités de police des Nations Unies, pour utiliser la force nécessaire pour nettoyer les quartiers des chefs de gangs. Les troupes brésiliennes ont effectué des patrouilles à pied, se sont engagées avec des dirigeants et des membres de la communauté dans la rue et ont développé de vastes réseaux de renseignement qui étaient sans précédent à l’époque pour le maintien de la paix des Nations Unies. Dans un sondage de 2007, 67% des personnes interrogées en Haïti ont attribué à l’ONU l’amélioration de la sécurité.

Une objection clé au déploiement de troupes internationales en Haïti aujourd’hui est que ni les forces multinationales antérieures dirigées par les États-Unis ni les missions antérieures de l’ONU n’ont laissé de système durable de justice et de sécurité. Qu’est-ce qui empêchera une nouvelle mission de l’ONU d’être un pis-aller coûteux qui entraînera une nouvelle période de crise et de violence lors de son retrait ?

Plusieurs mesures pourraient garantir qu’une nouvelle mission de l’ONU contribuerait à une stabilité durable en Haïti. Tout d’abord, les troupes déployées devraient adopter la même approche que les déploiements brésiliens antérieurs en utilisant une force suffisante et en travaillant en étroite collaboration avec la population pour démanteler les gangs criminels. Plus important encore, les civils internationaux devraient avoir plus de pouvoir pour certifier les juges, les procureurs et les fonctionnaires de police haïtiens afin de contrôler les personnes corrompues et abusives. Les programmes antérieurs de formation et de conseil ont simplement donné du pouvoir aux fonctionnaires corrompus laissés en place. Le soutien à la restauration d’un bureau d’inspecteur général fort et indépendant pour la Police nationale haïtienne devrait être une priorité pour garantir que les agents de police nouvellement contrôlés ne se livrent pas à des abus, à des associations de gangs ou au trafic de drogue.

L’ONU devrait s’appuyer sur des modèles hybrides récents de missions nationales/internationales, telles que la Commission internationale contre l’impunité soutenue par l’ONU au Guatemala, pour travailler côte à côte avec des procureurs et enquêteurs haïtiens approuvés pour préparer les dossiers. Une unité de poursuites spécialisée et approuvée pourrait juger ces affaires dans les tribunaux anti-corruption haïtiens avec des juges approuvés, comme cela s’est produit au Guatemala et au Honduras avec des résultats positifs.

Les efforts internationaux antérieurs ont manqué un point clé : l’importance d’obtenir un règlement politique entre les élites investies. Au lieu de cela, les États-Unis et leurs alliés se sont tournés excessivement vers les élections pour régler les différends politiques, puis s’en sont remis aux dirigeants élus qui par la suite pillent l’État, forment des gangs illicites et déforment la démocratie pour cimenter leur pouvoir.

Ces derniers mois, les organisations de la société civile haïtienne ont formé une plate-forme traçant un dialogue et un processus politiques inclusifs et durables pour dépasser les divisions entre les partis politiques dominants. Les propositions de cette plate-forme d’un gouvernement intérimaire inclusif pourraient briser le long schéma d’exclusion et de division par les élites haïtiennes. Les États-Unis et d’autres acteurs internationaux devraient soutenir cette opportunité de construire une nouvelle base politique.

Enfin, les missions passées de l’ONU sont devenues des vecteurs de transmission de maladies – plus de 10 000 Haïtiens sont morts du choléra introduit par inadvertance par des soldats népalais – et de cas d’abus et d’exploitation sexuels. L’ONU et ses pays fournisseurs de contingents doivent empêcher de tels incidents et tenir leurs soldats et leurs civils pour responsables.

Les Haïtiens ont malheureusement besoin d’un soutien international en ce moment. Une nouvelle mission de l’ONU est impérative. Mais il doit être renforcé de manière à soutenir les aspirations de la société civile et aura un impact positif et durable sur la stabilité et les institutions d’Haïti.

La source: www.brookings.edu

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