Dans nos quartiers populaires, nous devons inventer un nouveau récit politique. J’ai évoqué le bouc émissaire de zones entières — nous disant que si la France va mal, c’est à cause d’endroits comme celui-ci. Les événements de janvier 2015 ont été un électrochoc en France car les auteurs des attentats venaient de ce pays et ont grandi dans l’école républicaine.

Depuis des décennies, des maires de différentes tendances politiques, mais en contact avec la population, tirent la sonnette d’alarme. C’est notre responsabilité en tant qu’élus de banlieue. Pour dire « Attendez une minute ! » Que quoi qu’il arrive, ces quartiers sont incontournables, car nous sommes la jeunesse de la France et façonnerons son avenir.

Ainsi, après le choc des attentats, il y a eu un moment important le 16 octobre 2017, avec la Appel de Grigny pour les quartiers populaires, soutenus par les associations et les maires de tous partis — mais pas avec le Front national, qui en était exclu — et avec Jean-Louis Borloo, homme d’État reconnu en France, et deux candidats actuels à la présidence, Anne Hidalgo [mayor of Paris] and Valérie Pécresse [president of the regional council].

Ils se sont réunis autour d’une revendication républicaine commune, car l’été juste avant le gouvernement Macron avait coupé sans raison nos crédits déjà maigres et, pire encore, coupé le financement des associations de quartier. Il s’agissait de se débarrasser du jour au lendemain de quarante mille marchés publics subventionnés, pour des raisons budgétaires, même si cela ne résolvait pas les problèmes budgétaires de la France.

Nous avons donc fait un plan national pour les banlieues appelé Vivre en grand — vivre ensemble, vivre grand dans la République. Nous voulons réconcilier les banlieues avec le reste de la France, car sinon nous aurons une catastrophe. Nous avons fait dix-neuf propositions. Le président Emmanuel Macron a jeté ce reportage à la poubelle, mais, pendant six mois, les médias nous ont permis d’expliquer une autre histoire. La dernière fois que nous avions parlé des banlieues en France pendant six mois, c’était pendant les émeutes de 2005. Ainsi, maires et associations locales tirent la sonnette d’alarme pour un problème auquel est confronté tout le pays.

Mais voilà, le 14 novembre dernier, la France a annoncé le plan de relance post-COVID. L’argent était distribué partout — dans les zones rurales, les territoires d’outre-mer, etc., mais il fallait se demander, quand serait-ce notre tour, dans les quartiers populaires ? Il semblait que le train de récupération était passé sans s’arrêter dans notre gare. Mais c’est dans des zones comme celle-ci que la crise sanitaire et sociale est la plus grave. Nous avons donc dû dire stop. Et la force de ce mouvement, c’est que nous étions plus de deux cents maires à écrire au président, à la fois des banlieues et même des villes charmantes qui ont des quartiers populaires, comme Albi, Agen ou Cahors.

Ensuite, nous avons eu des réunions avec les ministres et la haute administration pour faire des propositions, et, fin janvier, le Premier ministre est venu à Grigny, et finalement nous avons réussi à leur faire débloquer 2 milliards d’euros supplémentaires pour la rénovation urbaine. Nous sommes donc passés de la sonnette d’alarme à la recherche de solutions. Nous avons un gouvernement qui au début refuse parfois obstinément de nous écouter – et j’ai d’énormes différences avec Emmanuel Macron. Mais dans des moments comme celui-ci, il faut rebâtir les fondements de la République.



La source: jacobinmag.com

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