La diplomatie numérique fait référence à l’utilisation généralisée de la technologie, en particulier d’Internet et d’autres innovations basées sur les technologies de l’information et de la communication (TIC), dans la conduite de la diplomatie. Avec les nouvelles technologies permettant d’accéder à des informations instantanées et à une communication interactive en ligne, l’utilisation de ces outils par les diplomates et les responsables gouvernementaux se généralise. En fait, Internet a trois impacts fondamentaux sur les relations diplomatiques : premièrement, il multiplie et amplifie le nombre de voix et d’intérêts impliqués dans l’élaboration des politiques internationales. Deuxièmement, il accélère et libère la diffusion d’informations, exactes ou non, sur n’importe quel problème ou événement. Troisièmement, il permet aux services diplomatiques traditionnels d’être fournis plus rapidement et à moindre coût.
La pandémie de COVID-19 a encore révélé à quel point le monde moderne dépend de la technologie et des outils numériques. Comme tous les autres aspects de la vie, la diplomatie a également dû passer au «numérique», avec de nombreuses activités transférées en ligne en raison des restrictions de rassemblement liées à la pandémie. Zoom, Google Meet et d’autres plateformes de ce type sont devenues des plateformes importantes pour les réunions mondiales de prise de décision, les réunions diplomatiques et les conférences, car les voyages devenaient impossibles ou irréalisables. À bien des égards, l’élément perturbateur de la pandémie a contribué à libérer de nouvelles formes de processus décisionnels virtuels.
Les plateformes de médias sociaux… se sont révélées être de puissants instruments pour influencer le public, notamment en termes d’amélioration de l’image d’un pays, parmi de nombreuses autres utilisations.
Pendant cette période perturbatrice, les pays africains ont adopté la diplomatie numérique à travers ces processus virtuels. Par exemple, malgré la pandémie, les gouvernements africains, l’Union africaine (UA) et les organisations non gouvernementales ont organisé plusieurs conférences virtuelles sur la paix et la sécurité, réunissant des milliers de parties prenantes africaines. En mai 2020, l’UA a organisé avec succès une conférence en ligne « Faire taire les armes », qui s’est étalée sur trois semaines. Les participants ont assisté à la fois physiquement et virtuellement, contribuant au débat et établissant de nouvelles connexions. Les dirigeants africains – par exemple, le président de l’UA, le président Cyril Ramaphosa d’Afrique du Sud – ont tenu des réunions en ligne avec les parties prenantes depuis le début de la pandémie. Ces discussions en ligne ont non seulement réduit les coûts de réunion des principales parties prenantes, mais elles ont également permis une prise de décision plus rapide, car davantage de participants, qui n’étaient peut-être pas présents habituellement pour diverses raisons, sont disponibles pour les négociations.
Cependant, ces succès n’impliquent pas nécessairement que les réunions virtuelles doivent remplacer la tradition des interactions en face à face. Au lieu de cela, ils devraient être complémentaires. Les réunions physiques sont importantes car les négociations ont souvent lieu en marge des rassemblements internationaux, à travers des discussions impromptues entre dirigeants mondiaux lors des pauses thé ou déjeuner, ou une rencontre fortuite dans le couloir ou les toilettes, etc. De plus, les réunions physiques offrent aux participants l’occasion d’observer et d’interpréter le langage corporel et les émotions des parties, ce qui peut aider à la prise de décision. Ainsi, le format hybride d’interactions physiques et de réunions en ligne semble être la meilleure approche pour les engagements diplomatiques. Les réunions doivent se tenir physiquement à mesure qu’elles se concentrent davantage sur la prise de décision et la représentation de haut niveau, telles que les questions qui exigent un haut niveau de secret, impliquent des situations de conflit ou des négociations complexes.
Dans le même temps, les plateformes de médias sociaux, notamment Twitter, Facebook, WhatsApp et Instagram, se sont révélées être de puissants instruments pour influencer le public, notamment en termes d’amélioration de l’image d’un pays, parmi de nombreuses autres utilisations. Par exemple, de nombreux dirigeants africains, ministères des affaires étrangères (MAE) et autres agences connexes exploitent des comptes de médias sociaux, en particulier Twitter et Facebook. Notamment, le président nigérian Muhammadu Buhari est le dirigeant africain le plus suivi avec plus de 5 millions d’abonnés sur Facebook, Instagram et Twitter combinés. Il est suivi du président ghanéen Nana Akufo-Addo et du président rwandais Paul Kagame avec plus de 4 millions de followers sur les trois réseaux sociaux combinés. Le président kenyan Uhuru Kenyatta était le dirigeant africain le plus suivi avec plus de 7 millions d’abonnés sur Facebook, Instagram et Twitter combinés jusqu’à ce qu’il désactive ses comptes en mars 2019, ce qui, selon lui, était dû aux insultes constantes et aux injures qui inondaient son chronologie. De plus, au plus fort de la pandémie de COVID-19, les plateformes de médias sociaux ont aidé de nombreuses AMF et agences à maintenir des liens avec certains citoyens de leur pays à l’étranger et à leur fournir une aide consulaire précieuse.
En complément de la diplomatie traditionnelle, les pays africains doivent exploiter tout le potentiel de la diplomatie numérique afin de faire progresser leurs objectifs de politique étrangère, d’étendre leur portée internationale et d’influencer le public étranger dans le cyberespace.
La diplomatie numérique, cependant, est confrontée à un certain nombre de défis en Afrique, notamment une infrastructure TIC médiocre (par exemple, Internet et électricité fiables et abordables). Les hauts dirigeants ont également fait preuve de méfiance à l’égard d’Internet, plusieurs gouvernements africains (par exemple, l’Ouganda, la Tanzanie, le Zimbabwe, le Togo, le Burundi, le Tchad, le Mali et la Guinée) ont fermé ou restreint de manière controversée l’accès à Internet et aux plateformes de médias sociaux. Le gouvernement nigérian a également interdit Twitter le 4 juin 2021, deux jours après que la société a supprimé un tweet du président Buhari qui menaçait de punir les sécessionnistes régionaux, qui, selon Twitter, violaient ses règles.
Ces obstacles freinent la diplomatie numérique africaine. Essentiellement, en complément de la diplomatie traditionnelle, les pays africains doivent exploiter tout le potentiel de la diplomatie numérique afin de faire progresser leurs objectifs de politique étrangère, d’étendre leur portée internationale et d’influencer le public étranger dans le cyberespace. Il est important de noter que les pays africains devraient tirer parti de leur position sur la scène diplomatique mondiale en utilisant les médias sociaux. En étant actives sur les plateformes de médias sociaux, les AMF peuvent accélérer la diffusion d’informations précises et permettre aux services diplomatiques traditionnels d’être fournis plus rapidement et à moindre coût. De plus, ils peuvent amplifier les voix et les intérêts de leurs pays au sein de la communauté internationale, renforçant ainsi l’image des pays et faisant avancer leurs objectifs.
La source: www.brookings.edu