Les écoles ont fermé et les systèmes de transport ont été plongés dans le chaos le 19 janvier après que les huit principaux syndicats français ont uni leurs forces pour appeler à une grève multisectorielle contre les propositions de réforme des retraites du président Emmanuel Macron. Les syndicats et les partis politiques de gauche appellent au retrait immédiat des réformes qui feraient passer l’âge de la retraite de 62 à 64 ans. Cette vidéo fait partie d’une émission spéciale Travailleurs du monde série sur la crise du coût de la vie en Europe.
Production, vidéographie, montage : Brandon Jourdan
Producteur associé : Daniel Murphy
Cette histoire, avec le soutien de la Fondation Bertha, fait partie de l’émission The Real News Network Travailleurs du monde série, racontant les histoires de travailleurs du monde entier construisant un pouvoir collectif et redéfinissant l’avenir du travail selon leurs propres termes.
Transcription
Brandon Jourdan [narrator]: Le 19 janvier 2023, des millions de personnes à travers la France se sont mises en grève pour s’opposer aux projets du gouvernement de relever l’âge de la retraite de 62 à 64 ans. La Confédération générale du travail, ou syndicat CGT, estime que 2 millions de personnes ont envahi les rues à travers la France. avec 200 manifestations dans tout le pays, dont au moins 400 000 personnes défilant à Paris.
Christian Colinet [protester]: Nous sommes ici aujourd’hui pour protester car premièrement, augmenter l’âge de la retraite de deux ans est inacceptable pour nous dans nos métiers du transport de marchandises, de voyageurs, de déchets. Il nous est donc impossible de travailler jusqu’à 64 ans avec des emplois très pénibles. C’est pourquoi nous sommes tous ici aujourd’hui pour manifester, pour dire non au relèvement de l’âge de la retraite, non à la cotisation plus longue.
Clara Stemper [protester]: Oui, on a déjà des métiers qui sont extrêmement physiques, qui sont très fatigants, physiquement et psychologiquement. On a des collègues qui sont épuisés. On a des collègues qui sont blessés, qui ont mal au dos, au genou ou partout. Nous avons déjà des collègues qui doivent se recycler car physiquement ils ne peuvent plus faire le travail. Et maintenant on nous demande de travailler encore plus longtemps alors que nous avons encore un travail qui est très physique et qui demande beaucoup à notre corps.
Priscille [protester]: En tout cas, nous, dans notre environnement, notre secteur d’activité, les soins médicaux, on essaie de relever l’âge de la retraite à 64-65 ans. Déjà depuis le COVID, c’est très difficile. Les gens ne veulent plus travailler en maison de retraite même dans les hôpitaux. Même nous, les permanents, nous ne pouvons pas le faire. Travailler jusqu’à 64 ans n’est pas possible, physiquement et psychologiquement
Youlie Yamamoto [protester]: En fait, cette réforme des retraites, elle est injuste, injustifiée, illégitime, inefficace. Pourquoi? Car en fait, cette réforme est un raccourci vers le cimetière. Ils veulent relever l’âge de la retraite même s’il n’est pas économiquement nécessaire de réformer le système de retraite. C’est une atteinte à notre sécurité sociale. C’est-à-dire que le système de retraite, actuellement, est un système de solidarité, de redistribution, qui permet à une majorité de personnes d’avoir une vie digne et heureuse après la retraite, et il s’agit donc en fait de savoir quel type de société vouloir? C’est aussi une réforme extrêmement injuste car elle touchera d’abord la classe ouvrière qui a une espérance de vie plus courte, qui a des carrières peu rémunérées et qui sera déjà morte [at retirement age] car à 65 ans, 23% des plus pauvres sont déjà morts en fait.
Brandon Jourdan [narrator]: Alors que les grèves sont courantes en France, cette grève était unique en ce sens qu’elle a amené tout le pays. les principaux syndicats réunis dans un front uni, ce qui a donné lieu à l’une des plus importantes mobilisations de l’histoire récente. C’était la première fois en 12 ans que les huit plus grands syndicats se réunissaient pour mener une action coordonnée.
Youlie Yamamoto [protester]: Ce sera un grand mouvement. C’est historique parce que, déjà en France, ce qui est très important, c’est ce qu’on appelle l’intersyndicale. C’est quand il y a une coalition unanime et consensuelle des syndicats, de tous les syndicats, avec toutes leurs opinions différentes. Nous sommes donc sur un terrain politique très large, très solide et très puissant.
Guillaume Léonardi [protester]: Déjà qu’il s’agissait d’une intersyndicale, la mobilisation est très forte, cela veut dire que tous les syndicats, tant qu’ils sont représentatifs, donc les cinq majorités se sont regroupées. C’est un message fort adressé au gouvernement. Et aujourd’hui c’est aussi un message fort de dire que nous sommes, tous ces syndicats, fortement mobilisés.
Brandon Jourdan [narrator]: Travailleurs en grève, transports publics paralysés, circulation ferroviaire interrompue, vols internationaux et intérieurs cloués au sol, production réduite dans les raffineries de pétrole, fermeture d’écoles et réduction de l’alimentation électrique.
Youlie Yamamoto [protester]: Il y a aussi des préavis de grève absolument partout, surtout dans des secteurs très stratégiques, dont les raffineries d’essence. Donc, nous savons que nous avons les moyens de tenir et de faire tomber cette réforme.
Christian Colinet [protester]: Nos camarades de la RATP des transports, du secteur public des mouvements de grève assez importants. Bloquer les transports est donc la première étape. Je pense que dans d’autres professions comme les enseignants, comme la fonction publique territoriale, la fonction publique de l’État ou la SNCF, la RATP [transport], je pense que c’est aussi une façon de faire pression sur le gouvernement pour qu’on soit entendu. C’est pour leur dire qu’on ne veut pas de cette réforme
Brandon Jourdan [narrator]: Malgré les protestations, le président Emmanuel Macron promet d’aller de l’avant avec le projet de réforme des retraites. La grande majorité de la France s’oppose avec véhémence aux réformes, un récent sondage montrant 80% d’opposition. Les réformes proposées interviennent à un moment où la hausse des prix de l’alimentation et de l’énergie réduit le pouvoir d’achat des travailleurs dans toute l’Europe.
Youlie Yamamoto [protester]: Alors les gens s’indignent. Il y a encore 80% des gens qui sont contre cette réforme. Encore une fois, le système de retraite, c’est le droit à une vie digne et décente après une vie de travail. Alors forcément, vu qu’il y a cette crise d’inflation, cette crise économique devient de plus en plus dure pour tout le monde. Les fins de mois sont difficiles donc si la vie est dure, la vie après le boulot est dure. C’est un catalyseur, ce n’est pas acceptable. Et pourquoi n’est-ce pas acceptable? Parce qu’il y a beaucoup de richesses, il y a un vrai problème de répartition des richesses. On sait que là-bas, les chiffres du CAC40 ont chuté de 80 milliards versés en dividendes. En France, il y a l’aide aux entreprises, 160 milliards par an d’aides aux entreprises. Il y a donc beaucoup, beaucoup d’argent qui circule mais qui n’est pas partagé. Et le gouvernement préfère financer cela, plutôt que de financer la sécurité sociale. C’est donc profondément injuste. Quand on sait qu’il y a beaucoup d’argent qui circule et qu’on peut agir dessus, notamment en taxant les superprofits.
Brandon Jourdan [narrator]: Depuis que François Mitterrand a ramené l’âge de la retraite à 60 ans en 1982, il y a eu de multiples tentatives de réforme des retraites, dont beaucoup ont échoué après avoir rencontré une opposition de masse. En 1995, le président Jacques Chirac et le Premier ministre Alain Juppé ont abandonné leur projet de réforme des retraites après des semaines de grèves militantes soutenues par la grande majorité de la population. En 2010, le président Sarkozy a repoussé l’âge de la retraite à 62 ans, après des semaines de grèves et de manifestations. La tentative antérieure de Macron de faire passer les réformes des retraites a été déraillée par la pandémie de COVID 19.
Guillaume Léonardi [protester]: Quand il y a une force, un contre-pouvoir comme les syndicats qui sont normalement ce contre-pouvoir qui permet un dialogue qui engage ensemble toutes les expressions, les expressions directes des travailleurs quand ils sont puissants, quand ils sont importants, et on l’a vu dans notre pays sur les plus grandes réformes, quand il y a beaucoup de monde dans la rue, eh bien, les gouvernements nous ont entendus. Mitterrand nous a entendus quand à une époque on était beaucoup dans la rue et on l’a maintenu en 1995, on a été entendu parce qu’on était beaucoup dans la rue, parce que beaucoup de gens ont dit que la réforme Juppé n’était pas juste. Et aujourd’hui, je pense que pour qu’ils nous entendent, nous allons devoir mobiliser plus que les soi-disant 7% de salariés que nous représentons.
Brandon Jourdan [narrator]: Lors de la grande manifestation à Paris, de petits affrontements se sont produits près du front de marche entre le black bloc et la police. La police a tiré des gaz lacrymogènes sur la foule, provoquant des chants de colère :
[Everyone hates the police!]
[Everyone hates the police!]
Après le retrait de la police, la marche s’est poursuivie. Avec Macron promettant de faire de la réforme des retraites une politique phare du dernier mandat de sa présidence, les travailleurs sont unis dans leurs plans pour mener une série de grandes grèves au fil des semaines, avec une autre grande mobilisation prévue pour le 31 janvier. Le syndicat CGT a appelé les travailleurs du secteur pétrolier à déclencher des grèves de 48 heures dans les semaines à venir.
Clara Stemper [protester]: Après, s’ils veulent s’en tenir à cette réforme et continuer à aller dans ce sens, on va continuer à se mobiliser parce que c’est pour nous, et pour nos collègues plus âgés pour nous qui sommes plus jeunes, c’est pour nos enfants c’est pour tout le monde fait.
Christian Colinet [protester]: Nous essayons donc de mobiliser le plus d’organismes possibles, qu’ils soient du secteur public ou du secteur privé. Nous devons être tous ensemble et tous les syndicats doivent faire pression sur le gouvernement.
Guillaume Léonardi [protester]: Et maintenant il va falloir, si le gouvernement n’écoute pas il va falloir tenir bon et montrer que nous, on va se battre jusqu’au bout pour qu’ils nous écoutent.
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Source: https://therealnews.com/france-strikes-against-macrons-neoliberal-pension-reform-plans