Le Royaume-Uni s'oriente vers la légalisation de l'aide médicale à mourir, en calquant sa loi en partie sur le programme canadien d'aide médicale à mourir (AMM). Le projet de loi sur les adultes en phase terminale (fin de vie) a suscité des critiques similaires à celles formulées à l'égard de la politique canadienne, en particulier des inquiétudes selon lesquelles les personnes pauvres et handicapées pourraient être poussées vers l'aide médicale à mourir, non pas parce qu'elles sont en phase terminale, mais en raison de l'austérité et de la négligence de l'État. .

La députée travailliste Kim Leadbeater a souligné le caractère restrictif de la loi britannique proposée, qui semble en effet plus stricte que celle du Canada. Selon la BBC, ceux qui demandent une aide à mourir doivent être âgés de plus de dix-huit ans, résider en Angleterre ou au Pays de Galles et être inscrits auprès d'un médecin de famille depuis au moins un an. D'autres qualifications incluent les exigences selon lesquelles les candidats doivent faire face à la mort immédiate – dans un délai de six mois – et avoir la capacité mentale de décider de mourir ou avoir clairement exprimé de tels souhaits à l'avance.

Le processus lui-même est très réglementé : il comprend deux déclarations officielles, une autorisation auprès de deux médecins à deux reprises, l'approbation d'un juge de la Haute Cour et une période d'attente après l'approbation avant que le patient n'administre le médicament mettant fin à sa vie. Ces mesures visent à fournir des freins et contrepoids solides, limitant l’éligibilité aux personnes en phase finale d’une maladie en phase terminale.

Le projet de loi a été adopté lors d'un premier vote à la Chambre des communes, mais doit faire l'objet d'un examen plus approfondi à la fois à la Chambre des communes et à la Chambre des Lords. Ce ne sera pas bientôt une loi, et les débats continueront de faire écho aux critiques du cas canadien et au-delà. Même avec les restrictions proposées, les critiques craignent que le programme MAiD de l'Angleterre et du Pays de Galles – distinct de celui de l'Écosse, qui décidera de son propre projet de loi – soulève de graves problèmes sociaux et éthiques.

La baronne Tanni Grey-Thompson, paralympienne et défenseure des droits des personnes handicapées, est l'une des principales critiques du projet de loi. S'adressant au Indépendant, elle a contesté les assurances des partisans du projet de loi, arguant que la réalité « est très différente ». Elle souligne la possibilité pour les patients de « choisir un médecin » en demandant la permission de divers médecins, si l’un d’entre eux refuse d’approuver l’aide médicale à mourir – une pratique qui, selon elle, est déjà répandue au Canada.

Grey-Thompson cite également des arguments contre cette mesure courante au Canada, notamment le risque que des personnes soient poussées à mettre fin à leurs jours en raison d'un handicap ou d'autres facteurs, malgré la loi interdisant le contrôle coercitif. Elle craint également que les paramètres d'inclusion du décès soient assouplis au fil du temps, comme ils l'ont été au Canada, par exemple, pour inclure la maladie mentale.

Il s’agit là de préoccupations réelles qui valent la peine d’être préoccupées, comme le montre l’expérience canadienne. La ministre britannique de la Justice, Shabana Mahmood, fait écho à ces sentiments, qualifiant le projet de loi de « pente glissante vers la mort sur demande » dans son opposition à ce projet. Elle et le secrétaire à la Santé, Wes Streeting, ont voté contre le projet de loi.

Au cœur des préoccupations concernant la coercition et les abus se trouve la question de l’austérité. Un État qui refuse le soutien nécessaire à ses pauvres et à ses handicapés n’est pas la seule raison pour laquelle on pourrait critiquer un programme d’aide à mourir, mais c’est une raison importante. L’État canadien euthanasie aujourd’hui ses pauvres et ses handicapés, alors que l’aide médicale à mourir devient de plus en plus une option pour ceux qui souffrent d’oppression structurelle – une sombre réalité contre laquelle les défenseurs des droits des personnes handicapées mettent en garde depuis des années, liée aux échecs de la démocratie libérale et de sa liberté. -les fondements du marché.

Le National Health Service du Royaume-Uni a enduré des années d'austérité néolibérale, tout comme le système de santé canadien à payeur unique. Cela a entraîné un déclin structurel de la qualité des soins fournis par le système, notamment de longs délais d'attente pour un traitement. Dans de telles conditions, il n’est pas difficile d’imaginer comment l’austérité et des soins inadéquats pourraient créer une pression directe ou indirecte pour pousser les gens à mettre fin à leurs jours – que ce soit pour éviter de « surcharger » leurs proches ou pour échapper à un système qui les néglige.

L’un des principaux arguments en faveur de l’AMM est l’autonomie – le droit des individus de prendre des décisions concernant leur propre corps et leur vie, y compris le choix de mettre fin à leurs souffrances, surtout si la mort est imminente. C'est un argument convaincant. Cependant, sa force diminue lorsqu’on l’envisage sous l’angle des inégalités et de la négligence systémiques.

Il y a de bonnes raisons de craindre que des personnes pauvres, handicapées ou âgées soient contraintes – directement ou indirectement – ​​à recourir à l’aide à mourir, comme cela s’est produit au Canada. Cette coercition – et les morts qui en découlent – ​​provoquées en grande partie par un État négligent, constituent à première vue des violations de l’autonomie. Dans toute société marquée par l’austérité, l’âgisme et les préjugés anti-handicap, les régimes d’AMM risquent de sacrifier ceux qui sont laissés pour compte par l’État et la société, apparemment pour protéger l’autonomie des autres. Cela constitue une violation profonde du principe même que l’AMM prétend défendre.

Dans un tel contexte, il devient presque impossible de mettre en œuvre un programme d’AMM qui n’entraîne pas de décès évitables – mettant fin à des vies qui, dans des conditions sociales plus justes et une répartition plus juste des ressources, auraient pu perdurer. MAiD, dans ces circonstances, devient le fruit d’un arbre empoisonné. Les limites imposées par la loi, aussi strictes soient-elles, ne peuvent pas y remédier.

Le Royaume-Uni devrait tenir compte de la dure leçon du Canada, apprise au prix d'un lourd tribut humain, alors qu'il réfléchit à sa propre loi sur l'aide à mourir.

La source: jacobin.com

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