Usine de pâte à papier le long de la rivière Willamette, Oregon. Photo : Jeffrey St. Lair.

Ce qui suit ne s’adresse pas à la droite et à ses partisans (économiques, sociaux et autres) qui – malheureusement – ​​font très bien leur travail. Ce qui suit s’adresse surtout à la gauche, qui – malheureusement – ​​ne fait pas du tout bien son travail…

Voici ce que nous écrivions l’année dernière à la même époque, juste après les terribles inondations en Thessalie, dans un texte inachevé et inédit :

« Le choc des deux « ouragans méditerranéens » successifs Daniel et Elias a été suffisamment fort pour provoquer les premières secousses fortes dans les croyances climatosceptiques des Grecs. Bien sûr, ce ne sont que les premières fissures, qui ne feront que s’élargir si les circonstances exigent le suivi de la seule force politique qui peut, potentiellement, non seulement expliquer scientifiquement la catastrophe climatique, mais aussi agir massivement et concrètement pour y faire face. »

Bien sûr, cette « seule force politique qui peut potentiellement non seulement expliquer scientifiquement la catastrophe climatique mais aussi agir massivement et concrètement pour y faire face » doit être la gauche. Pourtant, un an plus tard, alors que le spectre de la pénurie d’eau plane plus que jamais sur Athènes et ses quatre millions d’habitants, avec de nouvelles sécheresses extrêmes, de nouveaux incendies dévastateurs, de nouveaux records historiques de température et de nouvelles canicules encore plus intenses, cette gauche est toujours invisible, toujours absente de la ligne de front de la catastrophe climatique galopante. Et pire encore, elle continue de dénoncer la droite néolibérale au gouvernement non pas pour son refus d’agir à temps contre ce désastre climatique, mais pour son insistance à l’invoquer pour couvrir ses péchés !

Voilà donc comment nous avons continué notre texte de l’année dernière, en essayant – en vain – de convaincre qu’il est urgent de mobiliser « ceux d’en bas » car notre pays est littéralement dans l’œil du cyclone de la catastrophe climatique :

« Parlons de la catastrophe climatique et de notre pays, puisque l'intensité et le volume des précipitations des deux « ouragans méditerranéens » (medicanes) qui l'ont frappé consécutivement en l'espace de trois semaines (!), confirment les conclusions scientifiques, selon lesquelles la Méditerranée et en particulier son bassin oriental et… la Grèce constituent un point chaud, c'est-à-dire un point de haute intensité et de danger de crise climatique. Plus précisément, les 889 mm de pluie – au moins – reçus par Zagora et les 886 mm reçus par Portaria sur le mont Pélion le 5 septembre, non seulement dépassent de loin tout précédent dans notre pays, mais sont 3 et 4 fois supérieurs à ceux qui sont tombés en Libye le jour des inondations meurtrières quelques semaines plus tard. De même, les 1 235 mm de précipitations reçues par Makrinitsa en septembre dernier ont établi un record européen de précipitations mensuelles, tandis que l’intensité terrifiante de la pluie « médicane » d’Elias qui a ensuite frappé le nord de l’Eubée a été, avec les incendies gigantesques de plus en plus fréquents, les vagues de chaleur et la désertification galopante, une autre indication que notre pays est effectivement un point chaud de catastrophe climatique mondiale « pour les décennies à venir ».

Et nous avons conclu avec ces mots :

« Qu’est-ce que cela signifie ? Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et plusieurs autres organisations scientifiques, cela signifie que « l’augmentation de la température observée en Méditerranée est supérieure à la moyenne mondiale ». En d’autres termes, « la planète se réchauffe, et la Méditerranée le fait un peu plus vite » ! Les conséquences ne sont pas seulement prévisibles, elles sont déjà empiriquement établies : entre autres choses, comme la montée du niveau de la mer, nous avons des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes, plus longues et plus intenses, des incendies de forêt de plus en plus fréquents et monstrueusement destructeurs, des précipitations et des inondations sans précédent, mais aussi une réduction drastique des précipitations, avec pour conséquence des pénuries d’eau croissantes, des sécheresses, une désertification galopante de zones toujours plus vastes, une productivité agricole réduite, etc. En d’autres termes, nous sommes confrontés à la menace la plus grave pour la qualité de vie et l’existence même à laquelle les habitants de ce que nous appelons aujourd’hui le territoire grec aient jamais eu à faire face. Et comme il est évident, tous les autres problèmes de la population grecque, mais aussi de la population mondiale, sont directement affectés et subordonnés à ce qui est leur plus grand problème existentiel… »

Et la gauche grecque ? Où sont ses manifestations, ses grèves et ses occupations contre les politiques climatiques des gouvernements grecs, de l’Union européenne et des capitalistes ? Où sont ses réflexions et sa production d’idées, d’analyses et de propositions programmatiques et de mesures à prendre d’urgence ? Où est sa participation aux grandes mobilisations internationales de jeunesse et autres luttes contre la catastrophe climatique et ceux qui la provoquent, qui passent durablement inaperçues dans notre pays ? Où est son combat contre les théories obscurantistes et complotistes sur la crise climatique qui prennent d’assaut la population grecque ? Où est sa conception du changement radical de nos sociétés et de nos vies nécessaire pour combattre efficacement la catastrophe climatique (voir Pour une décroissance écosocialiste) ? Et surtout, où est sa mobilisation contre la racine du mal, les multinationales du pétrole et du gaz, les constructeurs automobiles et tous ceux qui sont impliqués dans les énergies fossiles, responsables de l’écrasante majorité des émissions de gaz à effet de serre ?

Au lieu de tout cela, la gauche grecque préfère accuser Mitsotakis et son gouvernement de « simples délits, comparés au véritable crime qu’il commet quand non seulement il ne fait rien face à la crise climatique, mais qu’en fait il l’aggrave par sa politique ». Et de temps en temps, elle préfère se livrer à des batailles chimériques contre les impérialistes qui convoitent « nos » (inexistants, soit dit en passant)… gisements de pétrole, qui deviendraient miraculeusement… des énergies fossiles propres parce que… « grecques ». Ou se moquer et vilipender la jeune Greta Thunberg, qui inspire le mouvement international de jeunesse le plus massif et le plus radical contre la crise climatique. Ou, pire encore, accueillir dans ses rangs des « gens de gauche » qui continuent sans relâche à qualifier le changement climatique… de « plus grande fraude impérialiste » !

La conclusion est tragique : quand les grandes entreprises internationales, et par conséquent le système capitaliste, responsable de la catastrophe climatique, ont des ennemis de gauche, ils n’ont pas besoin d’amis ! Ils peuvent dormir tranquilles quand ces gauchistes – en Grèce et dans le monde entier – dénoncent tout et n’importe quoi, sauf les vrais criminels, et avec eux leurs patrons, leurs filiales locales, leurs porte-paroles, leurs représentants politiques, autrement dit leur système capitaliste. Comme par exemple : «les vingt premières entreprises lequel ont collectivement contribué à hauteur de 480 milliards de tonnes de dioxyde de carbone et de méthane, provenant principalement de la combustion de leurs produits, soit l'équivalent de 35 % de toutes les émissions mondiales de combustibles fossiles et de ciment depuis 1965” (voir tableau ci-dessous).

Conclusion : la grande tragédie de la crise climatique est que huit milliards d’êtres humains sont contraints de payer cher – au prix de leur santé, de leur vie, de la santé et de la vie de leurs descendants, de la destruction de la nature et d’une planète de plus en plus dégradée – la cupidité de quelques dizaines de multinationales polluantes qui continuent à faire des profits monstrueux.

Pire encore, une partie au moins de notre gauche reprend et diffuse, souvent mot pour mot (!), la propagande « climato-négationniste » produite par la véritable usine à propagande de ces multinationales polluantes géantes. Et, signe de l’importance que ces multinationales accordent à la remise en cause et au dénigrement des thèses scientifiques sur la crise climatique, cinq d’entre elles seulement ont dépensé au cours de la dernière décennie au moins 200 millions de dollars par an pour promouvoir leur propagande et leur désinformation sur les énergies fossiles (voir le tableau correspondant pour l’année 2018).

Un cas typique de ce genre de propagande est l’article intitulé « Crise climatique : croyance religieuse ou vérité scientifique ? » de l’ancien ministre islamophobe Andreas Andrianopoulos, qui a quitté le parti Nouvelle Démocratie parce qu’il ne le trouvait pas assez… néolibéral. Le fait que M. Andrianopoulos ait été un « conseiller » de M. Poutine et du président (à vie) de l’Azerbaïdjan, M. Aliyev, n’a évidemment rien à voir avec le contenu délirant de ses articles « climato-négatifs ». Cela n’a pas non plus rien à voir avec les déclarations et articles d’autres « conseillers » célèbres de M. Poutine, comme l’ancien chancelier allemand Schröder ou l’ancien Premier ministre français Fillon… mais aussi de gauchistes moins célèbres – grecs et étrangers – connus pour leur soutien au locataire du Kremlin.

Bien sûr, ce n’est pas une simple « coïncidence ». M. Poutine et ses amis du monde entier – Trump, Orban, Bolsonaro, Milei, etc. – sont tous des « sceptiques climatiques » fanatiques, tout comme leurs partisans d’extrême droite et néofascistes du monde entier. Et bien sûr, ce n’est pas une coïncidence si toutes ces braves gens, aidés par les grandes entreprises internationales, qui ont tout intérêt à perpétuer l’économie des énergies fossiles, financent généreusement des armées de climatosceptiques de toutes sortes, dont le seul but est d’empêcher l’adoption et, surtout, la mise en œuvre de mesures pour faire face à la catastrophe climatique…

Par conséquent, puisque la crise climatique, qui – malheureusement – ​​va s’intensifier et atteindre bientôt des points de basculement, prend désormais des dimensions existentielles pour l’humanité, et puisqu’il n’y a personne d’autre que nous pour la combattre, le conflit avec ceux et leurs intérêts qui l’ont créée et l’alimentent, en refusant obstinément de l’empêcher, ne peut être qu’un conflit de vie ou de mort. Aujourd’hui, plus que jamais, il est temps pour la gauche de justifier son existence en faisant de la lutte contre la catastrophe climatique sa priorité absolue et sa première tâche militante…

Source: https://www.counterpunch.org/2024/09/11/a-left-that-doesnt-take-the-lead-in-the-fight-against-the-climate-crisis-has-no-reason-to-exist/

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