Stefano Palombarini

Non, du moins si l’on raisonne en termes de montée en puissance d’une gauche qui poursuit une rupture avec le néolibéralisme. Laisse-moi expliquer. Dans un contexte de crise profonde, où les structures politiques sont très mobiles parce qu’il y a des blocs sociaux qui s’effondrent et d’autres qui se forment, la rapidité que j’évoquais est un facteur qui a quelque chose à voir avec le fait qu’en France, nous avons une gauche de rupture qui marque 22 % — et qui n’existe pas ailleurs. En revanche, je pense que la forme d’organisation particulière de la France Insoumise est inadaptée à un mouvement qui vise à avoir une présence institutionnelle significative, que ce soit au niveau national ou local. Ce type de structure, avec ses défauts et ses avantages, est une sorte de bateau pirate. Il peut rapidement faire une analyse de la situation et aussi choisir rapidement la bonne trajectoire. Comparons-le avec le Parti communiste, par exemple. Cette dernière a l’avantage d’être beaucoup plus démocratique : elle tient des congrès, il y a des votes, etc. Mais elle a l’inconvénient d’une énorme inertie, et on voit les résultats. Cela dit, si les élections législatives se déroulent comme nous l’espérons, ce type de logique centralisée aura du mal à refléter la richesse et la diversité d’un mouvement qui s’institutionnalise et qui élira peut-être une centaine de députés.

Alors, comment devrait-il être organisé? D’une part, nous devons accroître le degré de démocratie dans la prise de décision. Pour quiconque veut s’impliquer dans un mouvement, il est évidemment fondamental que son point de vue soit pris en considération. Mais il faut aussi préserver cette capacité à réagir rapidement, car le contexte de crise que nous vivons va perdurer dans les années à venir, voire s’intensifier.

Qu’en est-il de l’ancienne structure du parti, à laquelle je suis moi-même très attaché ? Il y a des aspects de la forme du parti qu’il faut absolument récupérer, par exemple avoir une présence locale, territoriale. Nous avons besoin de sections locales. Quand on regarde les résultats du premier tour de l’élection présidentielle, on voit que Mélenchon est beaucoup plus fort en milieu urbain qu’en milieu rural et dans les petites villes. On peut faire de la politique à travers les réseaux sociaux, internet, les chaînes YouTube, mais si on se limite à ça, on passe à côté de toute une partie de la population non connectée à ces médias.

Nous avons donc besoin de plus de démocratie et de plus de présence territoriale, mais aussi d’imaginer quelque chose qui nous permette d’adapter rapidement notre stratégie à notre analyse de la situation. La situation va changer rapidement sur tous les fronts. Nous allons faire face à une série de crises, pas seulement des crises politiques au sens strict. Si nous devons attendre le prochain congrès, prévu dans trois ans, présenter une motion et ensuite espérer qu’elle gagne et ensuite intégrer des parties des motions perdantes, cela ne fonctionnera pas. Je dis cela en pleine conscience que nous devons accroître le degré de démocratie. Je n’ai pas la bonne formule, mais il faudra probablement être inventif.



La source: jacobin.com

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