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J’ai fait partie de l’équipe de négociation de la plate-forme commune, et cela demande du temps et de longues discussions si vous voulez réellement créer une plate-forme politique crédible. En termes de politiques économiques, notre programme concerté comprend une planification verte, la redistribution des richesses, l’éradication de la pauvreté, de nouvelles institutions, un plafonnement des prix, un âge de la retraite à soixante ans, un revenu minimum pour les jeunes, etc. Et tous nos partenaires politiques étaient d’accord là-dessus. Nous avons donc démontré que la théorie des « forces irréconciliables à gauche » est tout simplement erronée. Sur la plupart des sujets, nous avons pu trouver une approche commune, et nous saurons quoi faire si nous gagnons les élections en juin.

La relation à l’Union européenne a été l’un des principaux débats, car les mots que nous utilisons et la vision historique de l’UE que nous avons ne sont pas les mêmes. Mais la stratégie que nous avons publiée en janvier, lors de la campagne présidentielle, a permis de trouver une voie commune sur ce sujet. Nous savons que les Verts, les socialistes, les communistes et nous ne sommes pas d’accord sur l’avenir à long terme de l’Europe, la création d’un État fédéral, etc. Cela ne changera pas après deux semaines de discussion ensemble — et ce n’était pas notre objectif. L’important est de pouvoir s’accorder sur une stratégie commune vis-à-vis des institutions européennes si Jean-Luc Mélenchon devient Premier ministre. Ensuite, la question n’est pas de savoir si vous êtes pro ou anti-européen, mais à quelles opportunités et difficultés nous serons confrontés au niveau européen dans la mise en œuvre de notre programme.

Et nous sommes tous d’accord maintenant que certaines règles européennes sont incompatibles avec nos propositions et doivent être “désobéies” si nous voulons appliquer notre programme. Je vais prendre quelques exemples. Le droit de la concurrence nous empêchera de nationaliser des secteurs stratégiques (électricité, transports, etc.) ou d’avoir des cantines scolaires avec de l’alimentation locale et bio. Les règles d’austérité nous empêcheront de financer notre New Deal social et vert. Certaines parties de la politique agricole commune rendront plus difficile la fin de l’agro-industrie et le passage à un système de production alimentaire socialement et écologiquement durable. Et ainsi de suite. Il y a donc deux options : nous pouvons soit mentir aux gens et ne rien faire lorsque nous gagnons, soit dire que sur ces règles spécifiques, nous ne respecterons pas le droit européen.

Cela n’a rien à voir avec ce [far-right prime minister] Viktor Orbán fait en Hongrie. Il est tout à fait d’accord avec les règles néolibérales de l’UE : sa stratégie est de se débarrasser de tous les contre-pouvoirs démocratiques et des droits de l’homme aux niveaux national, européen et international. Notre désobéissance sera à l’opposé : Premièrement, elle se limitera à l’application de notre programme politique. Deuxièmement, il respectera toujours un principe de non-régression — si nous désobéissons, ce sera toujours pour plus de droits sociaux, humains et écologiques, jamais pour moins. Et troisièmement, l’idée n’est pas de désobéir parce que nous le voulons ; c’est créer une lutte au sein de l’UE pour amener d’autres États membres avec nous et obtenir des changements de traité à moyen terme.

Nous voulons donc être réalistes quant au fonctionnement de l’UE et ambitieux quant à la manière dont nous pouvons le changer. La désobéissance a travaillé dans le passé pour obtenir des dérogations ou forcer la Commission européenne et le Conseil à ouvrir des possibilités. Par exemple, l’Allemagne a protégé son secteur de l’eau de la privatisation, et cela a été étendu à d’autres États membres. La France a décidé de protéger son secteur culturel (par la tarification réglementée du livre), ce qui a ensuite été accepté par les institutions européennes. Une coalition d’Etats a obtenu la possibilité d’interdire les cultures génétiquement modifiées sur leur territoire national après une bataille de dix ans avec l’UE. Il y a eu la même histoire récemment avec l’intervention de l’Espagne sur les prix de l’énergie au début de la crise, ce qui a obligé la commission à présenter un plan permettant aux États membres de réguler les prix de l’énergie. La désobéissance est également utilisée chaque jour pour de mauvaises raisons par les libéraux, notamment Macron. Personne ne dirait que Macron fait pression pour un Frexit. Mais il ne respecte pas les règles européennes sur la pollution de l’air, le développement des énergies renouvelables, les horaires de travail dans l’armée, la protection des données personnelles, etc.

Il est donc temps de mettre fin à la course vers le bas au niveau de l’UE en matière de protection sociale ou écologique. Nous n’appliquerons pas les règles de l’UE si elles sont moins ambitieuses et protectrices que notre réglementation nationale en termes de droits humains, écologiques et sociaux.



La source: jacobinmag.com

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