Source de la photographie : Riyaah – CC BY-SA 3.0

Il est difficile d’imaginer que cela se produise à l’époque moderne. Même l’attaque d’une seule tombe est un acte criminel dans un pays civilisé (sic). L’idée même est vilipendée partout. Alors qu’en est-il des attaques continues d’Israël contre les cimetières palestiniens à Gaza ? Le terrorisme a été évoqué en passant, d’abord dans une vidéo éphémère sur Twitter, puis dans un média international. Pour une journée. Ce reportage de CNN révélait à quel point les tombes détruites et retournées en Israël étaient répandues. Pourtant, même si cela a pu générer un certain choc, l’indignation a été étonnamment modérée. Images animées – linceuls tachés de rouge serrés par des garçons en sanglots ; des rangées de mères silencieuses et courbées : des orphelins errants et abasourdis : tous rivalisent pour notre sympathie rationnée. Mourir et faire son deuil expriment des sentiments, voire de l'espoir. Ils sont plus convaincants. Il est préférable de laisser les cadavres morts depuis longtemps, leurs linceuls déchiquetés de manière obscène et les os dispersés de manière irrévérencieuse dans les fosses, aux archéologues. Nous nous tordons les mains avec indignation morale face au génocide et à la famine tandis que nous ravalons notre honte en regardant des quartiers entiers fuir à pied vers on ne sait où.

Ne suffit-il pas d’expulser des familles – âgées, jeunes, infirmes, enceintes – de chez elles, en les poussant sur la route avec une poignée de biens ? Ne suffit-il pas de détruire les hôpitaux pour que les blessés hurlants, souvent sans famille à proximité, meurent inutilement dans les couloirs ou subissent des amputations sans anesthésie ? Ne suffit-il pas d’assassiner quiconque ose désobéir aux ordres de s’abriter parmi les ruines d’un hôpital ou d’une école bombardée, ou parmi les décombres bruts de sa maison – n’importe quelle maison ? Ne suffit-il pas d’assassiner les journalistes qui osent rapporter les réalités du terrain, de frapper le personnel des Nations Unies dont la mission est de soigner les nécessiteux ? N’est-ce pas suffisant de retarder la livraison de nourriture essentielle à des centaines de milliers de personnes ? Ne suffit-il pas de rassembler les hommes, de les déshabiller et de les emmener pour les torturer et les exécuter ? Ne suffit-il pas de raser deux grandes universités de Gaza, en les anéantissant complètement ? Ne suffit-il pas de faire honte aux juifs honnêtes du monde entier – orthodoxes, réformés ou non pratiquants – qui regardent cette horreur se dérouler au nom de leur État juif ? Apparemment non.

Nous avons maintenant des forces israéliennes en maraude qui s’en prennent aux morts, même aux morts ! Il est sûrement impossible pour les gens de conscience d'ignorer cela, aussi pénible que de voir des Palestiniens expulsés de leurs maisons, leur contenu jeté ici et là alors qu'ils sont rasés au bulldozer, leurs champs d'oliviers soigneusement entretenus déracinés. Les os et les restes enveloppés de personnes récemment décédées sont laissés exposés, puis écrasés par des chars et des bulldozers israéliens. Les voûtes en ciment et les tombes creusées à la hâte pour les personnes nouvellement enterrées sont traitées avec la même insensibilité. (Même si, compte tenu de ce que nous constatons quotidiennement, les Israéliens pourraient en fait se réjouir de ces actions.) Quelle que soit la prétention de cet assaut final contre un peuple, ces méfaits révèlent un degré distinct d’incivilité. Ces violations visent sans aucun doute à aggraver la douleur de ceux qui osent survivre à cette calamité. De tels crimes ne peuvent qu’accroître l’hostilité à l’égard de leurs auteurs.

Les Israéliens n’ont pas besoin d’un journaliste ou d’un théologien pour leur rappeler le caractère sacré des lieux de sépulture. Leur comportement est particulièrement poignant étant donné qu’en 2005, lors de la rétrocession des colonies juives de Gaza aux réfugiés palestiniens, les colons au départ ont insisté pour que leurs proches soient déterrés et transportés avec eux en Israël. C'est un signe du soin que les Juifs accordent à leurs ancêtres. Les musulmans et les chrétiens ne sont guère différents : les cimetières sont pour nous plus qu’un lieu de repos pour les morts. Ils marquent une histoire familiale ; ils représentent l'amour ; ils signifient le respect de ses grands-parents, de tous ses ancêtres. Les sociologues, les décideurs politiques israéliens et ceux qui conduisent ces bulldozers savent comment, après l’Aïd Al-Fitr annuel, chaque famille musulmane revisite les tombes de ses ancêtres. Ce jour-là est un moment précieux et joyeux où enfants et adultes se rassemblent parmi les tombes pour savourer un repas, discuter et jouer près des esprits de leurs proches protégés. Les voisins chrétiens rejoignent les familles musulmanes dans les cimetières à l’occasion de cet Aïd sacré.

Je me souviens d’un spectacle déchirant dans un clip vidéo d’Irak il y a près de vingt ans. Décimé par une décennie d'embargo, l'invasion et la sédition aggravées par l'occupation des troupes américaines, des conflits internes (sectaires) ont éclaté, provoquant une terreur généralisée. Un vieil Irakien regardant la caméra d’un journaliste pleurait à chaudes larmes : « Regardez, regardez ce que nous sommes devenus ! » Je me demande : certains Juifs, regardant ces tombes détruites et profanées si sauvagement, pourraient-ils ressentir la même chose ?

Source: https://www.counterpunch.org/2024/02/09/buried-under-the-genocide-debate-desecrated-graves/

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