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Il y a plusieurs choses. Premièrement, le contexte a changé depuis 2017. Maintenant, nous en avons fini avec l’ère Angela Merkel. L’actuelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a le mandat le plus faible de son histoire. Par ailleurs, de nombreuses règles et dogmes ont été bouleversés face à la crise sanitaire. La règle du déficit de 3 % a été suspendue. La règle des aides d’État, qui consacre le sacro-saint droit à une concurrence libre et non faussée, a été suspendue pendant la crise. Voici la preuve que ces règles n’ont pas de sens, même du point de vue des libéraux du marché libre.

De plus, grâce à notre expérience au niveau européen, nous avons acquis une compréhension plus précise de notre capacité et de notre stratégie pour atteindre nos objectifs. Notre logique, notre boussole, est de mettre en œuvre notre programme coûte que coûte. Nous n’abandonnerons pas le programme sur lequel nous avons été élus. C’est un impératif démocratique : premièrement, parce que nous ne voulons pas mentir au peuple, et deuxièmement, parce que c’est aussi l’occasion de lever les obstacles que nous avons identifiés.

Nous avons passé en revue toutes nos propositions concernant les règles européennes, et nous avons systématiquement identifié les blocages. J’en ai mentionné quelques-uns plus tôt, par exemple concernant la renationalisation du fret ferroviaire et l’investissement dans les énergies renouvelables.

Notre stratégie repose sur deux piliers. Le premier est de créer la confrontation nécessaire au sein des institutions européennes, sur les accords de libre-échange par exemple. De tels accords exigent l’unanimité des États membres. Sans la signature de la France, il n’y aura pas d’accord avec le Mercosur (le Marché commun du Sud), avec la Chine, la Nouvelle-Zélande, le Canada ou les États-Unis. Nous avons donc la possibilité de bloquer ces règles.

De plus, il existe un certain rapport de force au sein de l’UE qui doit être pris en compte. Nous sommes la deuxième économie européenne, un contributeur net au budget européen. Évidemment, nous privilégions la solidarité européenne, et nous n’avons aucun problème à être un contributeur net. Mais cela ne doit pas se faire à l’encontre des intérêts de la France et du programme que nous sommes élus pour mettre en œuvre. Nous sommes donc prêts à utiliser notre contribution comme outil de négociation pour que les règles européennes ne soient pas appliquées contre la volonté des Français.

Le deuxième pilier est une stratégie de désobéissance. L’UE a plusieurs règles qu’il est clair que nous ne respecterons pas si nous sommes au pouvoir. Nous n’appliquerions pas la directive sur les “travailleurs détachés”, qui entraîne les travailleurs européens dans une course vers le bas. Nous veillerions plutôt à ce que, par exemple, un travailleur polonais en France ait droit aux mêmes protections sociales qu’un travailleur français.

J’ajouterai qu’en réalité, la désobéissance est déjà monnaie courante au niveau européen. Macron lui-même ne respecte pas les normes de protection des données. Macron ne respecte pas les normes sur les horaires de travail et les temps de repos dans les ministères. Macron ne respecte pas les objectifs européens sur les énergies renouvelables. Ces règles sont bonnes, et nous entendons les respecter, mais pas les autres règles qui nous empêchent de mener à bien la transition écologique.

Nous pensons que notre capacité à enfreindre les règles est un moyen de faire changer les règles. Il y a plein d’exemples. L’Allemagne a récemment déclaré vouloir exclure la gestion de l’eau de la privatisation. Elle l’a obtenu non seulement pour elle-même, mais pour l’ensemble de l’UE.

Encore plus récemment, dans le contexte de la crise énergétique actuelle, l’Espagne a demandé à pouvoir contrôler les prix de l’énergie et donc à les baisser pour les ménages, c’est-à-dire à ne pas tenir compte du droit européen de la concurrence existant. Elle a obtenu cette exception, et elle a été étendue à l’ensemble de l’UE. Donc, je pense que nous pouvons faire pression avec d’autres États membres demandant les mêmes choses, et cela réorientera la construction européenne. Et il a besoin de ce changement, sinon il ira sûrement au mur.



La source: jacobinmag.com

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