Nous vous écrivons aujourd’hui comme une dernière tentative pour convaincre votre gouvernement d’adopter une politique conforme à la préférence de la grande majorité de vos citoyens, en ce qui concerne le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, qui est entré en vigueur l’année dernière. Il y a seulement quelques mois, les pays du P5 (toutes les puissances nucléaires, y compris la Chine et la Russie) ont publié une déclaration commune selon laquelle une guerre nucléaire ne peut jamais être gagnée et ne doit jamais être menée. Néanmoins, comme vous le savez certainement, le danger d’une guerre nucléaire n’a jamais été aussi grand qu’en ce moment et aucun des États nucléaires actuels, ni le Canada, n’a signé le traité. La Bulletin des scientifiques atomiques a maintenu son horloge de la fin du monde à minuit moins 100 (le plus proche que nous ayons jamais été de l’autodestruction nucléaire de notre espèce) depuis janvier 2020, en réponse à l’abrogation par les États-Unis de l’accord sur les forces nucléaires intermédiaires et du traité ciel ouvert – après que l’administration de George W. Bush a abandonné l’engagement des États-Unis envers le traité sur les missiles anti-balistiques. Comme Angela Kane, l’ancienne Haute Représentante des Nations Unies pour le désarmement et sous-secrétaire générale l’a dit sans ambages : «L’architecture de contrôle des armements qui constituait un solide pilier de stabilité stratégique, même dans l’environnement hautement rival de la guerre froide, s’est effondrée.

Tout cela s’est passé avant que la Russie n’envahisse l’Ukraine, augmentant les tensions entre les deux plus grandes puissances nucléaires de la planète à des niveaux sans précédent. Alors que le président Poutine met en garde contre « des conséquences comme celles-ci n’ont jamais été observées » pour tout pays faisant ce que l’OTAN est en train de faire : armer l’Ukraine, combien de temps avant qu’une arme nucléaire tactique soit déployée ou qu’un pays de l’OTAN fournissant des armes soit attaqué, entraînant une l’escalade du tac au tac vers un échange nucléaire complet ? Nous sommes en fait déjà dans une guerre nucléaire si nous acceptons que la simple menace d’attaque nucléaire (implicite dans l’avertissement de Poutine) est l’utilisation d’armes nucléaires. Nous dirions que la simple possession d’armes nucléaires par un État constitue une menace implicite de les utiliser. Ni l’utilisation, ni la menace, ni la possession d’armes nucléaires ne sont conformes au droit international humanitaire en vigueur ou à la moralité fondamentale. Le droit international proscrit sans ambiguïté le ciblage des populations civiles. Il est clair que les armes nucléaires, par l’ampleur de leurs pouvoirs destructeurs sont contraires à cette interdiction, tout à fait indépendamment du TPNW.

Si jamais le principe de précaution était de mise, ce serait le moment, semble-t-il : il conseille que dans le cadre d’un risque potentiellement catastrophique, la réduction de ce risque doit primer sur toute considération secondaire. C’est cette préoccupation, en particulier l’appel à l’empathie humanitaire, qui a poussé la communauté internationale à négocier le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, tout en ayant ralenti la propagation des armes nucléaires, n’a manifestement pas réussi à amener les puissances nucléaires existantes à respecter leur engagement d’œuvrer à l’élimination de leurs stocks. Bien qu’il soit peu probable que le TPNW oblige les États nucléaires à rendre leurs arsenaux, il s’agit d’une étape importante dans la délégitimation des armes nucléaires en tant qu’outil d’État et dans la transformation de ces États récalcitrants en parias.

Le Canada n’est pas un État nucléaire. Votre gouvernement croit-il vraiment que la possession d’armes nucléaires par d’autres puissances dans le monde rend le Canada plus sûr? Si c’est le cas, comment? Si non, quelle raison possible empêcherait le Canada de signer le TPNW? Plus de 70 % des Canadiens appuient cette démarche. L’affirmation selon laquelle notre adhésion à l’OTAN exclut la signature du traité a déjà été démystifiée par une étude approfondie de la Harvard Law School. Bien qu’aucun des membres de l’OTAN n’ait signé le traité, plusieurs assistent au moins à la première réunion des parties au traité reportée du 21 au 23 juin. Il est de votre devoir, chers ministres, d’assurer la sécurité de notre pays et de ses citoyens et de refléter les opinions de la majorité de ceux qui vous ont élus. Ces deux devoirs vous obligent à reconsidérer votre rejet du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.

Source: https://www.counterpunch.org/2022/06/22/an-open-letter-to-prime-minister-justin-trudeau-on-behalf-of-science-for-peace/

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