Le sentiment anti-français n’a cessé de croître dans toute l’Afrique francophone où les gouvernements ont eu du mal à contenir les problèmes de sécurité intérieure croissants des insurgés djihadistes. La France a des troupes en Afrique de l’Ouest pour aider ses anciennes colonies du Burkina Faso, du Mali et du Niger à lutter contre la menace terroriste. Mais la présence française se révèle de plus en plus impopulaire dans la région et le président Emmanuel Macron, qui doit faire face à une élection présidentielle le mois prochain, a réduit le nombre de troupes françaises. Mais à l’heure où la France assure la présidence de l’UE, ce n’est pas bon pour le moral.
Une dispute diplomatique entre la France et le Mali cette semaine a vu les autorités maliennes demander à Joël Meyer, l’ambassadeur de France au Mali, de quitter le pays dans les 72 heures. Cette action a été déclenchée par les propos du ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian qui avait déclaré que la junte au pouvoir à Bamako était “hors de contrôle”.
Le Mali se sent lésé que la France ait influencé la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour imposer de sévères sanctions économiques au Mali. Les sanctions seraient dues à l’échec des autorités de transition à Bamako à organiser les élections présidentielles et législatives qui avaient été annoncées pour le 27 février. Mais l’insurrection terroriste intérieure qui menace la stabilité a contraint le gouvernement à se concentrer sur d’autres priorités.
Toute la région a connu une dangereuse tendance à des coups d’État militaires d’abord au Mali, puis en Guinée, suivis d’un autre au Mali, puis au Burkina Faso et maintenant cette semaine un coup d’État manqué en Guinée-Bissau. A Ouagadougou, prenant la parole pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, le nouveau chef militaire du Burkina Faso, le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba, a promis un retour à l’ordre constitutionnel normal “lorsque les conditions seront réunies”.
Réuni en crise cette semaine à Accra, le bloc ouest-africain de la CEDEAO a suspendu l’adhésion du Burkina Faso en raison du coup d’État militaire, mais a néanmoins décidé de s’engager avec Damiba – une approche légèrement plus clémente qu’avec le Mali voisin. Ils lui ont demandé de proposer rapidement un calendrier électoral.
Une délégation envoyée à Ouagadougou par la CEDEAO a depuis établi que le président déchu Roch Kaboré est sain et sauf, selon Reuters. Mais il ne sera pas facile pour Damiba de tenir ses promesses électorales, comme le Mali l’a trouvé à ses dépens. On peut donc prévoir que les relations avec la CEDEAO risquent de se tendre.
Kaboré avait été renversé par une mutinerie de l’armée pour ne pas avoir réussi à contenir la violence des militants islamistes. En 2021, il y a eu une série d’atrocités dans le pays. Le massacre du village de Solhan le 6 juin a été l’une des attaques les plus meurtrières au Burkina Faso, avec au moins 160 morts. Le déclencheur le plus récent de pressions sur le gouvernement a été une attaque du 14 novembre contre les forces de sécurité à Inata, dans le nord, près de la frontière avec le Mali. L’attaque, près d’une mine d’or à Inata, a tué 49 policiers militaires et quatre civils. La population locale a imputé le mauvais état des forces de défense aux hauts responsables militaires.
L’attaque d’Inata a été suivie d’une série de manifestations au Burkina Faso et au Niger qui ont eu lieu pour protester contre les accords de sécurité du Burkina Faso avec la France. Un manifestant de 13 ans qui a utilisé sa fronde pour faire tomber un drone français au cours des manifestations est devenu du jour au lendemain un héros populaire sur Internet dans le pays.
En association avec le gouvernement au pouvoir au Burkina Faso, l’armée française a également reçu sa part de protestations populaires contre l’incapacité de l’État à arrêter la montée de la violence islamiste dans le pays.
Dans son premier discours présidentiel, Damiba a déclaré que le Burkina Faso avait « plus que jamais besoin de partenaires internationaux », après la condamnation du coup d’État.
Il a juré que la lutte contre les djihadistes serait sa priorité et il a promis de reconquérir les zones rurales, permettant aux 1,5 million de personnes qui ont fui leur foyer de revenir. Mais bien qu’il ait mené la lutte contre les extrémistes jusqu’à présent, il aura besoin d’aide s’il veut atteindre cet objectif stratégique.
“J’appelle la communauté internationale à soutenir notre pays afin qu’il puisse sortir de cette crise le plus tôt possible”, a-t-il déclaré dans son discours national, bMais il doit encore préciser de quelle partie de la communauté internationale il souhaite obtenir le soutien. Son voisin immédiat, le Mali, face à des problèmes très similaires avant leur propre coup d’État militaire en mai 2021, a suivi l’exemple de la République centrafricaine pour demander l’aide militaire russe pour renforcer ses capacités de sécurité. Reste à savoir si le nouveau dirigeant du Burkina Faso choisira une voie similaire.
La source: www.neweurope.eu