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Je suis en effet un défenseur du populisme, du populisme de gauche. La différence entre le populisme de gauche et de droite est simple. Le populisme progressiste est un mouvement majoritaire chauvin qui conteste les avantages injustes dont bénéficie une minorité d’élite riche et puissante. Le populisme de droite, au contraire, est un mouvement majoritairement chauvin qui remet en cause les privilèges imaginaires dont jouissent les immigrants vulnérables ou les minorités religieuses et ethniques. Je pense que les écrits de Machiavel anticipent le populisme de gauche car il encourage les plébéiens à défier les élites et à exiger d’elles une part toujours plus grande du pouvoir économique et politique.

Machiavel démontre de manière assez convaincante que les gouvernements populaires sont les cibles constantes de (bien qu’il n’ait pas utilisé le terme) « de vastes conspirations de droite » – à tout moment, en tout lieu et à tout moment. De ce point de vue, la corruption systémique générée de manière ploutocratique est simplement une menace existentielle constante pour tout régime civique qui n’est pas déjà une oligarchie nue. Le seul moyen d’arrêter ou de faire reculer cette corruption est que les gens du commun se mobilisent et utilisent tous les moyens de pression dont ils disposent – service militaire ou force de travail, par exemple – pour obtenir des concessions des élites qui préféreraient s’étendre plutôt que d’abandonner leur autorité disproportionnée.

Bien sûr, les anciennes républiques analysées par Machiavel n’ont jamais eu à faire face au « populisme de droite ». Les élites socio-économiques de ces républiques pourraient invoquer le patriotisme ou l’anti-tyrannie pour contrecarrer les revendications réformistes de la part des démos ou la la plèbe; c’est-à-dire qu’ils pourraient donner la priorité à la nécessité d’une guerre contre des ennemis étrangers hostiles ou invoquer le danger que des dirigeants populistes accumulent le pouvoir royal tout en défendant le sort des classes inférieures.

Le Sénat romain a magistralement exercé les deux stratégies, détournant fréquemment les plébéiens de émeutes à la maison pour faire la guerre à l’étranger, et s’en tire souvent en tuant des champions populaires, de Marcus Manlius Capitolinus aux frères Gracchi, en tant que “tyrans en herbe”. Mais de tels oligarques n’ont jamais pu mobiliser pleinement de larges segments du peuple dans un mouvement soutenu contre les réformes populaires et les réformateurs populaires. Ils ont finalement dû recourir à une répression violente pour le faire, comme en témoigne la tyrannie de Sylla.

D’un autre côté, les populistes de droite contemporains ont une arme puissante à manier contre les partis de centre-gauche et les mouvements populaires de gauche : à savoir, l’accusation de déloyauté ou de trahison nationale. Parce que les démocrates et les socialistes modernes sont motivés par les principes universalistes des Lumières, ils sont perpétuellement susceptibles d’accuser de ne pas vraiment se consacrer au bien-être du « peuple » dans leur propre pays. Ils sont trop facilement accusés de se soucier en fin de compte de « l’humanité » (pour les peuples du monde entier) ou des minorités nationales subalternes. D’où l’efficacité des populistes de droite à diffamer les politiciens de centre-gauche et les populistes de gauche de traîtres « mondialistes » ou d’adhérents anti-majoritaires de « politiques identitaires ».



La source: jacobinmag.com

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