L’une des principales justifications historiques de l’État-providence a été l’égalisation des niveaux de vie entre des familles similaires avec un nombre différent de travailleurs et de personnes à charge. Vers les années 1970, cette justification a commencé à disparaître du discours de l’État-providence, et de nos jours, on entend rarement qui que ce soit en parler.
C’est dommage, car le cas de l’égalité horizontale pour l’État-providence est extrêmement solide et aide également à expliquer pourquoi l’État-providence devrait comporter des prestations universelles plutôt que des prestations sous condition de ressources.
Pour aider à communiquer cet argument en faveur de l’État-providence, j’ai demandé à Jon White de recréer un ancien schéma de l’État-providence des années 1940 en Suisse.
Dans le premier panneau du graphique, nous voyons deux travailleurs identiques qui font un travail égal et reçoivent un salaire égal. Un travailleur vit seul. L’autre vit avec un père âgé, un conjoint handicapé et deux enfants. Parce que ce dernier travailleur doit étendre son salaire à cinq personnes alors que l’ancien travailleur n’a qu’à étendre son salaire à une personne, les deux travailleurs identiques ont des moyens de subsistance très inégaux.
Dans le deuxième panel, l’État-providence intervient pour résoudre ce problème. Une partie de la rémunération de chaque travailleur est redirigée vers un État-providence central, puis cet État-providence verse des prestations au parent âgé (pension de vieillesse), au conjoint handicapé (prestations d’invalidité) et aux enfants (allocations familiales). L’État-providence garantit ainsi que les deux travailleurs jouissent désormais de moyens d’existence égaux.
Certains gauchistes qui sont sceptiques à l’égard de l’État-providence verront le graphique ci-dessus et diront que le problème est en fait le riche capitaliste d’en bas. Si nous le renversions, nous n’aurions pas besoin d’un État-providence. Mais ce n’est pas vrai. Considérez le graphique suivant dans lequel l’employeur en bas n’est plus une usine dirigée par un riche capitaliste qui profite généreusement, mais est plutôt dirigée par l’État ou gérée comme une coopérative de travail.
Malgré le changement de propriétaire, le problème de ces deux travailleurs ayant des moyens de subsistance inégaux reste le même. Même si tous les profits de l’entreprise sont redistribués aux travailleurs, il n’en demeure pas moins que le travailleur qui vit seul a beaucoup plus de revenus par personne que le travailleur qui vit avec un père âgé, un conjoint handicapé et deux enfants. Seul un État-providence qui transfère les revenus des travailleurs aux non-travailleurs, et applique ainsi des transferts nets des ménages avec peu de non-travailleurs aux ménages avec beaucoup de non-travailleurs, peut corriger cette source particulière d’inégalité.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de différence entre une entreprise privée, une entreprise d’État et une coopérative de travail. Il existe d’énormes différences entre eux, y compris des différences qui ont de grands effets sur la répartition des revenus dans la société. Mais ces différences ne résolvent pas le problème que résout l’État-providence.
Les paiements au capital et au travail ne tiennent pas compte des différences dans la composition des ménages et ne peuvent donc jamais être réformés de manière à générer une société égalitaire. Vous pouvez réduire les différences de salaire entre les travailleurs. Vous pouvez également redistribuer les revenus du capital vers le travail. Mais si vous voulez vous assurer que la répartition finale des revenus est sensible aux différences dans la composition des ménages, rien ne remplace un État-providence universel.
La source: jacobinmag.com