Le Premier ministre Yair Lapid dit que Beyrouth a implicitement reconnu Israël en signant l’accord, mais le Liban dit que rien n’a changé.

Le Liban et Israël ont officiellement approuvé un accord négocié par les États-Unis qui établit pour la première fois leur frontière maritime même si les deux pays n’ont pas de relations diplomatiques et restent techniquement en guerre.

Des mois de pourparlers indirects médiatisés par Amos Hochstein, l’envoyé américain pour les affaires énergétiques, ont abouti jeudi à un compromis sans précédent entre les États voisins, ouvrant la possibilité d’explorations énergétiques sur 860 km2 (330 milles carrés) de la mer Méditerranée qui abrite gisements de gaz offshore.

Si l’on en croit la partie israélienne, il y a plus dans l’accord qu’un simple accord frontalier, mais la partie libanaise n’a pas tardé à le nier.

Des vues contrastées

  • Le bureau du Premier ministre israélien Yair Lapid a déclaré que l’accord était une “réussite politique” pour le pays car “ce n’est pas tous les jours qu’un État ennemi reconnaît l’État d’Israël, dans un accord écrit, devant l’ensemble de la communauté internationale”.
  • Le président libanais Michel Aoun a nié que quoi que ce soit d’essentiel ait changé dans les relations avec Israël. “Délimiter la frontière maritime sud est un travail technique qui n’a aucune implication politique”, a-t-il répliqué.
  • Il a insisté sur le fait que l’accord ne constituait pas un accord de paix et a déclaré que l’accord était purement “technique” et n’aurait “aucune dimension ou impact politique qui contredirait la politique étrangère du Liban”.
  • Beyrouth a cherché à trouver un équilibre entre la résolution d’un différend de dix ans qui l’empêchait de puiser dans ses ressources énergétiques offshore et d’éviter tout semblant de “normalisation” avec Israël.
  • Israël et le Liban sont techniquement en guerre depuis des décennies, bien que le dernier conflit majeur ait été la guerre du Liban de 2006. Israël a envahi le Liban en 1982 pendant la guerre civile de ce dernier et a occupé le territoire libanais jusqu’en 2000.
  • La méthode par laquelle l’accord a été négocié et signé met en évidence l’absence de tout lien formel entre Israël et le Liban. L’accord a pris la forme d’un échange de lettres séparé entre les États-Unis et le Liban et entre les États-Unis et Israël ainsi que des lettres du Liban et d’Israël aux Nations Unies indiquant leurs coordonnées maritimes.
  • Aoun et Lapid ont tous deux approuvé une dernière lettre américaine dans la matinée et l’ont envoyée à une ville frontalière libanaise, Naqoura, où les délégations ont signé l’accord dans des pièces séparées.

Que dit l’accord sur la frontière maritime ?

  • L’accord n’inclut aucune reconnaissance formelle d’Israël et n’est pas équivalent à un accord de paix.
  • Il établit une frontière entre les eaux libanaises et israéliennes pour la première fois, en grande partie le long d’une ligne de démarcation appelée ligne 23.
  • En traçant la ligne à partir de la mer plutôt que de la terre, l’accord évite d’aborder la question non résolue des frontières terrestres, qui est beaucoup plus compliquée et n’a pas l’urgence de la question énergétique.
  • Selon les termes de l’accord, Israël reçoit tous les droits d’exploration du champ de Karish, dont les réserves de gaz naturel sont estimées à 68 milliards de mètres cubes (2,4 billions de pieds cubes).
  • Le Liban reçoit tous les droits sur le champ voisin de Qana, mais il a accepté d’accorder à Israël une part des redevances par le biais d’un accord parallèle avec la société française TotalEnergies pour la section du champ qui s’étend au-delà de la frontière maritime convenue.
  • Les détracteurs de l’accord ont déclaré qu’il ne faisait pas grand-chose pour résoudre le problème de la répartition des bénéfices. Il reporte à une date ultérieure l’accord sur les redevances qu’Israël obtiendra du champ de Qana.

Un accord pour normaliser les relations est-il sur les cartes ?

  • En annonçant l’approbation préliminaire par le Liban du texte négocié par les États-Unis ce mois-ci, Aoun a déclaré que l’accord rendrait moins probable un conflit entre Israël et le groupe libanais soutenu par l’Iran, le Hezbollah.
  • “Le Liban n’a pas concédé un seul kilomètre carré à Israël”, a déclaré Aoun et a insisté sur le fait qu'”aucune normalisation avec Israël n’a eu lieu”.
  • Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré que le gouvernement libanais avait veillé à ce qu’aucune mesure ne soit prise qui « sente même la normalisation ».
  • Il est peu probable que Beyrouth suive les pays arabes du Golfe dans la normalisation officielle des relations avec Israël, selon les observateurs.
  • Mohanad Hage Ali, analyste au Carnegie Middle East Center à Beyrouth, a déclaré que l’accord s’inscrit “dans une zone grise”. “Ce n’est pas un accord qui marque la normalisation avec Israël, ce n’est pas un accord qui implique la reconnaissance de l’Etat d’Israël par le Liban”, a déclaré Hage Ali. “C’est un accord qui permet aux deux pays d’aller de l’avant en matière d’exploration gazière.”
  • Mais l’analyste a déclaré qu’il pensait que l’accord créait un précédent qui “conduira à davantage de débats sur ce qui peut être résolu par des négociations et sur le rôle que le Hezbollah peut jouer dans la politique libanaise dans la prochaine phase”.
  • Des millions de réfugiés palestiniens vivent au Liban, et de nombreux segments de la société libanaise continuent d’exprimer un ferme soutien à la cause palestinienne ainsi qu’une opposition à Israël.

Source: https://www.aljazeera.com/news/2022/10/27/has-lebanon-recognised-israel-by-striking-a-maritime-border-deal-explainer

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